L’effet Facebook
De quoi tout le monde parlait hier ?
La panne des applications de Facebook, évidemment.
Pas de réconciliation autochtone ou de paradis fiscaux (Pandora Papers), mais Whatsapp.
Pas de lutte aux changements climatiques ou de sécurité alimentaire, mais Instagram.
Quelles sont les chances que vous voyiez la longueur de ma publication et que vous arrêtiez de la lire avant d'en arriver à la moitié ? Plutôt élevées.
Pourtant, il faut qu'on se parle...
Hier, des familles ont perdu le contact avec des proches pendant de longues heures. Des entreprises ont vu leurs activités paralysées, ils ont perdu de la clientèle ou raté des occasions d'affaires.
Est-ce contradictoire de contribuer au contenu d'une plateforme tout en la critiquant ? Absolument. Est-ce normal de ne pas avoir le choix de faire autrement ? Non, ce ne l'est pas. Mais bon, on ne va quand même pas utiliser MySpace, on n'est plus en 2000...
Que voulez-vous, c'est ça, Facebook. Une compagnie monopolistique et anticoncurrentielle qui s'est immiscée dans toutes les facettes de notre vie en ligne. Elle a tout rasé sur son chemin : droit à la vie privée, droit à de l'information de qualité, vie démocratique saine... Elle a vidé les salles de nouvelles, forums, les fonds d’aide financière aux produits culturels...
Nous sommes ainsi devenus dépendants, en tant que société, d'un monopole puissant qui n'en a rien à faire de nos lois et de notre culture. Nous sommes devenus collectivement des addicts de Facebook, au grand plaisir de leurs actionnaires et au grand dam de notre démocratie et notre cohésion sociale.
Pourtant, cela n'a pas toujours été ainsi. On se souviendra que Instagram et Whatsapp étaient autrefois des applications indépendantes et populaires. Le monstre Facebook les voyait comme de la compétition et une menace à leur mainmise sur le monde virtuel en pleine expansion. Ils les ont donc rachetées et les ont adaptées à leur modèle d'affaires anticoncurrentiel et centralisateur.
La plus longue panne de l'histoire du géant américain a révélé au grand jour la dépendance de notre société à ces plateformes virtuelles quasi monopolistiques.
Ceux qui me connaissent savent que je ne suis pas un admirateur du capitalisme et de ses effets pervers. Personne ne sera surpris de m'entendre dire : mettons fin à cette menace pour notre société! Ayons le courage et la volonté politique de réglementer ce géant. Nous en avons collectivement le pouvoir.
Il faut simplement s'organiser et le réclamer haut et fort.
Ils seront plusieurs à tenter de nous convaincre du contraire sous le couvert de la "liberté d'entreprise" ou même de la liberté d'expression. Or, il faudra leur répondre poliment que ce sont ces entreprises gigantesques qui ont le contrôle, qui décident ce que nous lisons en ligne, qui créent les algorithmes qui trient quel contenu est promu et quelle publication sombre dans l'oubli.
Une entreprise de cette influence qui priorise le profit sur l’humain aura toujours des conséquences graves et profondes sur tout ce qu’elle touche.
La polarisation des débats publics, la désinformation et la crise de confiance du public envers les médias et le politique ; on convient que ça ne date pas d'hier. Cependant, l'exacerbation de ces enjeux par le truchement des réseaux sociaux est un phénomène bien documenté.
Comme l’a si bien démontré récemment la lanceuse d’alerte de Facebook Frances Haugen, les algorithmes de ces plateformes ont un impact important sur la psyché humaine, et pourtant, ces multinationales refusent de divulguer les logiques et processus décisionnels derrière celles-ci.
Et tout ça dans une opacité totale. Ça ne peut pas continuer comme ça.